mercredi 2 novembre 2011

La mort des bistros de banlieue

Ayant travaillé lundi, j’ai considéré ce jour férié d’hier comme un petit week-end. Il a été très significatif d’un phénomène qui s’amplifie depuis plusieurs mois : la mort progressive de l’activité dans les bistros autour de chez moi, à part lors des services du midi, les jours de semaine. Le Kremlin-Bicêtre a une particularité (l’ouverture de grand Centre Commercial en mars 2010) mais je suppose que la plupart des communes de proches banlieues connaissent le même traitement.

Hier, je suis arrivé à l’Aéro vers 12h30. Je n’ai vu de connu que mon pote Claude, et encore une dizaine de minutes seulement, jusqu’à 14 heures. Mon copain Patrice est venu prendre son café mais il me fallait rentrer. Entre temps, je suis passé au PMU où deux clients inconnus étaient au comptoir. La Comète et l’Amandine étaient fermées. Hier soir, je suis passé vers 19h30 à l’Aéro, j’étais le seul client. Je suis parti vers 20h30, directement à la maison.

La veille, l’Amandine a fermé tôt, la Comète n’a pas ouvert. L’Aéro a fermé vers 20 heures, je suis allé au PMU où deux vagues connaissances faisaient la java avec le patron. J’ai très bien été intégré au groupe mais il n’y avait personne d’autre.

Depuis le retour des vacances d’été, c’est à peu près tous les soirs, quand je ne rentre pas à la maison, que je finis tout seul dès 21 heures, quelques clients dinant en terrasse ou en salle.

La baisse est continue depuis assez longtemps. D’importants changements ont eu lieu dans le quartier, Djibril et Joël ne boivent plus d’alcool et ne passent au bistro que pour saluer les copains. Surtout, les bistros ont changé de propriétaire (trois fois à la Comète et deux à l’Aéro, en quatre ans), créant des changements de conditions de fonctionnement des commerces. Il est donc très difficile d’analyser les causes.

Pourtant, une date clé dans cette baisse peut être retrouvée : vers le 25 mars 2010, à l’occasion de l’ouverture du nouveau centre commercial. Cette ouverture n’a probablement eu qu’un très faible impact sur le fonctionnement des bistros, le soir, mais a fortement été ressentie le midi (les gens qui bossaient à la construction et l’aménagement du centre commercial ont arrêté de bosser dans le coin et donc de déjeuner dans le quartier).

On s’était, avec le patron de la Comète d’alors, que la baisse avait peut-être été progressive mais masquée, au niveau du Chiffre d’Affaire par une activité entretenue artificiellement par les ouvriers et ingénieurs du Centre Commercial.

Finalement, il faut voir dans cette baisse un motif essentiellement économique. D’une part, les retraités n’ont plus les moyens. Je croise les vieux de Bicêtre que je connais quand je vais au bistro à mes horaires pas habituels. Ils sont toujours dans le coin mais ne font qu’un rapide tour au bistro. D’autre part, la population de Bicêtre change. Les ouvriers ont déserté (outre le coût de l’immobilier, les deux employeurs du coin ont déménagé) au profit de « cadres Parisiens » qui n’ont plus les moyens d’habiter Paris (je suis peut-être un symbole, mais je continue à aller au bistro)… Bicêtre devient une ville dortoir.

Une dernière raison touche aussi à la démographie. Les « vieux auvergnats » qui faisaient le fond de la clientèle de la Comète, quand je suis arrivé, ne sont plus là, à part le gros Jean-Luc. Ils drainaient des clientèles d’artisans du coin, leurs ouvriers, … Ils sont morts ou repartis au pays. La « clientèle familiale » a ainsi disparu, lentement, prenant une autre tournure avec le départ, en 2007, de Abdel, à l’Aéro (il avait repris le bistro de son oncle, vieil auvergnat par alliance et bossait là, d’abord avec le tonton puis comme patron, depuis une quinzaine d’années) puis de Jean, à la Comète, qui était là depuis presque trente ans.

Je ne sais pas comment tout ça va évoluer…

Pour l’instant, j’ai l’iPhone pour Twitter et lire les flux quand je suis seul au bistro.

8 commentaires:

  1. Il est magnifique ce billet (mais tristement réaliste...)

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  2. Est-ce le même constat dans les blogs de Loudéac.

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  3. Yann,

    C'est différent. Mais je ne vais pas dans plusieurs bistros à Loudéac, et celui que je fréquente est devenu un bar de jeunes donc avec beaucoup de monde le vendredi soir.

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  4. Et la population de Loudéac n'a pas changé. Bicetre se boboise.

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  5. C'est bien triste, si c'est général.
    Je crains que ce ne soit général....

    Il faut ajouter au phénomène le remplacement presque systématique des bougnats par des Chinois qui, appelons un chat un chat, sont moins doués pour le contact. Et puis culturellement, ça coince.

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  6. Lo,

    Ouais... Et d'accord pour les Chinois. Par contre, les Kakyles, très présents aussi, sont très sympas.

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