lundi 30 janvier 2012

Début de carrière (fin)

Je ne sais pas pourquoi j’ai entrepris de raconter ici le début de ma carrière professionnelle, mais il me faut maintenant finir. J’avais commencé par un billet avec « mon » passage à l’Euro, puis le tournant de l’année 1996 avec une partie de ce que j’avais jusqu’à 2003. J’ai poursuivi, jeudi, avec mes premiers boulots, et vendredi avec l’année de mon service militaire. Après ce dernier, je suis revenu dans mon cabinet de conseil avec un statut d’ingénieur en informatique, en octobre 1989.

Ma boite développait le logiciel pour les distributeurs de pognon pour une douzaine de caisses régionales de la plus grande banque Française pour les automates de quatre constructeurs à l’époque. Une autre banque avait acheté ce logiciel et une équipe de ma boite avait en charge de le faire évoluer pour s’adapter aux spécificités de cette banque. Pour ma part, avec un gugusse, j’avais en charge d’adapter le logiciel de la deuxième banque à un cinquième constructeur. Pour différentes raisons, je bossais néanmoins avec les équipes qui travaillent pour la première banque.

J’espère que vous avez tout compris, sinon ce n’est pas très grave.

Je faisais du développement en langage C et les automates fonctionnaient sous MS-DOS. Il me fallait adapter la partie du logiciel qui activait les différents périphériques : lecteur de cartes, imprimante ticket, … Nous étions deux pour ça et avions presque un an devant nous. Autant qu’on a passé un sacré temps à glander ! Compte tenu de la conception de la chose, il y avait au maximum deux mois de boulot…

J’étais donc devenu un champion à Tétris… et j’ai pu me former à un tas de technologies, tel que le C, le développement pour DOS et X25 (à noter que techniquement, je suis resté planté à cette époque, par exemple, je ne connais pas les langages, OS et protocoles de communication ultérieurs !).

En même temps que moi est arrivé un représentant du client de l’autre équipe. Il venait de Bretagne trois jours par semaine avec nous. Une structure juridique spécifique avait été créée pour s’occuper du développement de ce logiciel, appartenant à 12 caisses régionales de la banque. Il en était le gérant. Il m’avait à la bonne, en temps que jeune Breton. Comme je ne bossais pas pour lui (mais pour l’autre banque), il s’en foutait totalement que je glande.

Déjà, à cette époque, j’arrivais vers 8 heures au boulot et partait à 18 heures. Je faisais plus d’heures que tous (à jouer à Tétris). Le gugusse avait un appartement dans le coin et moi aussi. De fait, nous avons sympathisé et passions au moins une soirée par semaine au bistro, parfois deux (mais il n’y avait pas vraiment de bistro où nous avions accroché, dans le coin).

Il a rapidement repéré qu’il y avait un tas de glandus, dans l’équipe, et qu’ils faisaient appel à moi quand ils avaient une difficulté ponctuelle. Je le disais dans un précédent billet, mes collègues n’étaient pas informaticien vu qu’il y avait peu d’école d’informatique à l’époque, le gros de la troupe était ingénieur en chimie… J’étais le seul un peu doué, vu que j’avais ça dans le sang depuis tout petit.

Pendant l’année, les développements se sont terminés. Maintenir une équipe importante n’était plus nécessaire. Le client (la société regroupant 12 caisses régionales) a décidé de reprendre la maintenance à son compte et a demandé à ma boite des ingénieurs pour former les siens.

C’est ainsi qu’en septembre ou novembre 1990 (j’ai oublié le mois exact, ce qui ne me ressemble pas mais n’a aucune importance…), je suis retourné travailler à Vannes puisque la structure de la banque où j’étais déjà intervenu avant mon service avait été retenu pour prendre la gestion opérationnelle de la société.

Un autre gugusse de ma boite est venu avec moi et deux autres nous ont rejoints temporairement par la suite.

J’avais dit que je ne parlerai plus de pognon. Il n’empêche que ce déplacement à Vannes a duré près de trois ans, que j’étais logé chez les parents et que je touchais une indemnité de déplacement de l’ordre de 300 euros par mois. Ainsi, j’avais un bel apport quand j’ai acheté l’appartement, fin 93. Nouvel épisode de chance incroyable dans ma carrière.

Rapidement, je me suis retrouvé responsable de la maintenance d’un logiciel pour une gamme de matériel que je ne connaissais pas, avec un système d’exploitation qui m’était totalement inconnu, c’était un logiciel entièrement différent de ceux sur lesquels j’avais déjà bossé. Une dizaine de caisses régionales l’utilisaient de même que d’autres petites banques extérieures au groupe.

Du coup, je bossais réellement beaucoup, pour la première fois de ma vie, avec des déplacements dans toute la France. Vannes n’étant pas spécialement au centre de la France, ces déplacements n’étaient pas simples. Je me rappelle d’une fois où il avait fallu que j’aille en urgence à Dijon. J’avais réussi à prendre un avion à Lorient ou Nantes pour Bordeaux puis un coucou pour Dijon. Au retour, j’étais passé par Toulouse (à cette époque, je crois que la ligne SNCF entre Quimper et Redon n’était pas encore électrifiée, il n’y avait donc pas de TGV).

Le plus beau déplacement que j’ai fait été pour Tahiti, en mai 1993. J’en avais profité pour prendre une semaine de vacances…

Progressivement, les collègues de ma SSII sont partis et, pendant deux ans, je me suis retrouvé tout seul à m’occuper des logiciels de deux gammes bien différente (un en Pascal avec un OS bizarre, un en C sous MS-DOS). La banque avait bien formé une équipe, mais deux n’était pas bon et le troisième débutait. Le quatrième, que je connaissais depuis 1987, était occupé par les relations avec les fournisseurs, de validation de document, … Un des pas bons était officiellement chef de projet mais je me tapais le boulot, étant le seul à connaître (d’autant que lui était submergé de tâches organisationnelles que lui confiait le grand chef).

C’est ainsi que vers 25 ans, je me suis retrouvé chef de projet, unique développeur, unique mainteneur, unique rédacteur de spécifications et unique interface avec les clients, pour deux applications pour distributeur de pognon. Personne n’y voyait rien de mal, tout fonctionnait correctement… J’étais toujours très rapide et méthodique tout en étant toujours impulsif.

Tiens ! Pour que vous compreniez bien… J’ai mis 35 minutes pour créer ce blog avec, outre la mise en page, la blogroll, le premier billet de test, le paramétrage des commentaires, … le dépôt du nom de domaine, le routage des flux vers FeedBurner, la publication automatique sur ma page Facebook, la création d’un compte Twitter associé et la diffusion automatique des billets sur ce compte (et sur un autre). Il suffit d’être méthodique et d’avoir bien pensé à la cible à l’avance : les différentes actions s’enchaînent.

Pour le boulot, c’est pareil : bien poser la cible et savoir ce qu’on veut, le reste vient tout seul.

Reprenons…

Je n’avais quasiment aucun contact avec mon cabinet de conseil et c’était très bien ainsi.

Malheureusement, le but du jeu était bien que la banque reprenne les développements à son compte. Ma mission s’est arrêtée à l’été. Je suis reparti en région Parisienne.

Quelques mois après, la société a fermé. Rien à voir avec mon départ ! Le groupe bancaire duquel dépendaient les caisses régionales a décidé de diffuser les logiciels de cette boite sur l’ensemble de son parc d’automates tout en en confiant la maintenance et les évolutions aux constructeurs. La structure juridique spécifique à 12 caisses régionales n’avait plus lieu d’être.

Pendant ce temps, un des constructeurs sortait une nouvelle gamme de machine et voulait porter son logiciel dessus, pour « l’offrir » aux caisses régionales en question pour rafler. Comme ma boite était la seule à avoir des compétences dans ce domaine, ils ont raflé le marché et je m’y suis collé, à l’été 1993, dans les locaux de ma boite, dans le 8ème arrondissement. C’était la première fois que je travaillais au siège et ça m’a rapproché de la direction et de collègues qui travaillent sur d’autres sujets, y compris hors informatique.

Parallèlement, ma boite avait continué a développé le logiciel pour l’autre banque dont je parlais plus haut. Les développements étaient terminés et il restait deux personnes pour les petites évolutions. Un des types a fait une grave dépression. L’alcool, c’est mal. L’autre a démissionné vers novembre.

Je suis intervenu en urgence, pendant deux mois, pour former un remplaçant (que je salue maintenant, vu que nous sommes en contact dans Twitter) et recoller des plâtres.

Parallèlement, la première banque a pris la décision que j’annonçais ci-dessus et les constructeurs ont repris a leur compte le logiciel. Le constructeur pour lequel je bossais au siège de ma boîte a décidé de faire appel à mes services pour gérer ce logiciel chez lui vu que j’étais le seul à connaître son matériel et le logiciel en question.

C’était vers janvier 1994 et je me suis retrouvé pour deux ans et demi à Plaisir, au siège de ce constructeur de distributeur de pognon, tout en continuant quelques missions dans « l’autre banque ».

Je n’ai pas gardé un très bon souvenir de cette époque même si j’ai beaucoup apprécié certaines personnes. En fait, j’étais souvent en conflit avec certains zozos (potes ou pas, ce n’est pas la question) pour des questions techniques et c’était usant de devoir se battre. Contrairement à mes précédentes périodes de travail, les gens avec qui je bossais n’étaient pas incompétents mais assez peu ouverts.

Ce n’est pas facile de trouver un exemple puisque le domaine est assez technique mais je vais me lancer, avec une anecdote… Avec mon logiciel, j’avais beaucoup d’incidents de lecture de cartes (à l’époque, on ne travaillait pas avec la puce et la lecture de la piste est rendue délicate par l’encrassage de la puce, du lecteur, …). La carte n’était pas lue et était restituée au client avec un message le prévenant d’un incident technique.

En fait, j’avais dix ou vingt fois plus d’incidents qu’avec les applications développées par les collègues. Toute le monde était persuadé soit que j’avais fait une erreur soit que les matériels de mon client était mal entretenus… On a ainsi passé plusieurs mois à travailler, à chercher l’origine du problème, j’avais réécrit mon programme, l’avait fait audité par des spécialistes… Rien à faire. Je me faisais engueuler par le client et par la hiérarchie…

Un jour, j’ai eu une idée de génie. J’ai outrepassé mes droits et je suis allé voir le code source applications des autres. J’ai découvert qu’ils ne comptabilisaient pas toutes les erreurs de lecture. Mes chiffres étaient supérieurs à ceux des autres uniquement parce qu’ils étaient exacts !

Ainsi, pendant plus deux ans, je me suis battu contre des moulins à vents. Je pourrais multiplier les exemples. J’étais tout le temps sur la défensive et ça me minait, d’autant que mon cabinet de conseil allait relativement mal (il y a eu une grosse crise, dans l’informatique, ces années là).

En outre, pendant cette période, je n’étais pas débordé. Pas du tout. Mais à l’époque, on n’avait pas Internet pour faire les cons pendant les heures de travail (et mon poste de travail était ainsi placé que je ne pouvais pas avoir des jeux à l’écran). C’est aussi très minant.

En plus, ma mission s’est très mal terminée, sur un conflit avec ma boite (le directeur commerciale avait été viré dans la crise) et le constructeur d’automates. Concrètement, suite à la démission d’un gugusse et à l’incompétence de deux développeurs, un autre projet informatique géré par la boite partait en sucette de manière dramatique. J’étais le seul à pouvoir intervenir et ma boite voulait me sortir du projet ce qui a mis le constructeur en colère puisqu’il exigeait que je termine un tas de trucs

Du coup, je me suis démerdé avec les deux projets et ça n’a pas été de tout repos.

L’autre projet était toujours autour des distributeurs de pognon mais avec des technologies que je ne connaissais pas du tout dans un environnement qui m’était totalement inconnu. Il s’agissait de finir une application pour les personnes en charge de gérer les machines dans un environnement Windows avec je ne sais plus quel atelier logiciel imposé par le client.

C’était jusqu’à mai 1996, environ. Outre le fait que j’avais réussi à terminer le projet, j’avais apporté des améliorations considérables au logiciel, notamment dans les performances par rapport aux demandes initiales (un des traitements duraient 15 minutes avant mon intervention, j’avais réussi à le faire passer au dessous des 10 secondes). Le client était bien content et c’est donc naturellement qu’on a été retenu pour faire une grosse évolution.

Par contre, pour une raison que j’ai oubliée, les développements devaient être faits dans les locaux de la SSII que je n’avais pas fréquentés depuis fin 93, sauf pour les pots (ceux que je ne séchais pas). Lors de la crise, la boite avait fermé la moitié de ces bureaux, il ne restait plus que quelques personnes au siège : le commercial, le big boss, la secrétaire générale et la secrétaire tout court… La femme du patron passait à l’occasion (elle était chargée de la paye) de même que les « anciens » et les actionnaires.

J’avais donc mon bureau à côté de celui du bigboss, qui m’avait à la bonne (voir les autres billets). Cet épisode nous a encore plus rapprochés, créant de la jalousie de beaucoup monde. Surtout, j’étais parfois invité à diner « en famille »…

Ca m’a permis aussi de me rapprocher du commercial qui était là depuis peu (c’était un consultant de la boite depuis 4 ou 5 ans qui avait proposé de remplacer un commercial démissionnaire). Nous avons sympathisés (nous sommes toujours potes, c’est la seule personne de l’époque que je vois encore à l’occasion) et, surtout, on a beaucoup bossé ensemble sur des machins commerciaux ou du recrutement pendant les huit ou neufs années qui ont suivi.

La première personne que j’ai eue à recruter était justement pour ce projet de développement. Il me fallait quelqu’un avec des compétences techniques spécifiques. La direction m’avait à peu près laissé carte blanche et c’est une excellente recrue que j’avais prise (ce qu’on a su après, bien sûr). D’ailleurs, on est aussi devenus potes. Il avait 25 ans et débarquait dans la vie active, je lui servais un peu de tuteur et, surtout, la boite étant fermée en aout, nous étions seuls dans les locaux. Le soir, on partait souvent boire des bières avec sa compagne, chez lui ou à la Comète. Quelques années plus tard, ils sont devenus très potes avec un copain à moi mais j’ai perdu tout le monde de vue, con comme je suis…

Je m’en suis sorti. Nous voilà à septembre ou octobre 1996, date à laquelle les aléas des missions ont fait que j’arrêté le développement informatique pour d’autres missions, ce que j’ai raconté dans un autre billet.

Vers mai 1998, mon patron a fini par vendre son petit cabinet de conseil à un groupe de 7 ou 800 salariés. Mon chef est devenu le commercial avec qui j’étais pote. Un peu après, le nouveau grand patron a vendu ses parts dans la société à un groupe mondial et en est devenu le patron Européen.

Ce grand groupe a fini par aller assez mal.

Le « patron Européen » a fini par se barrer, fin 2000, pour créer sa propre boite en rachetant quelques « business units ». Nous nous sommes barrés, à 8, dont mon chef, pour créer une nouvelle boite qui a fini par être rachetée par la nouvelle boite du « patron Européen » dont nous étions « actionnaire au nominal » (on a acheté les actions avant qu’elles soient cotées en bourse).

Fin 2006, mon copain qui était le chef a fini pour se barrer à nouveau pour créer une nouvelle boite. Je n’étais pas satisfait des remplaçants successifs. C’est vers novembre 2006 que j’ai compris qu’ils n’avaient en tête que de nous faire bosser non pas pour gagner des sous mais pour avoir une entité vendable… ce qui a été fait à cette époque.

J’étais très déçu d’apprendre ça en regardant des nouvelles de ma boite, dont j’étais actionnaire. Par ailleurs, le changement de boite s’est assez mal passé, à cause de l’ancienne, d’ailleurs (j’ai passé un tas de temps à résoudre des problèmes administratifs avec les clients…).

J’ai été très déçue par celle qui est devenue ma chef, quelques semaines après l’intégration dans le nouveau groupe et je n’étais pas spécialement adapté au mode de fonctionnement de la nouvelle boite (l’organisation était pas client, pas par métier. Du coup, on n’était plus rattaché à un chef qui faisait du commercial « dans le métier », mais à un commercial sans pouvoir et à un chef qui ne connaissait pas ce qu’on faisait). Les « consultants séniors » (ben oui, j’avais 40 ans…) n’étaient plus intégrés au fonctionnement de la boite : recrutement, commercial, … alors que j’en avais fait beaucoup depuis 1996.

Tout ça a évolué et s’est bonifié mais ma décision était prise : il fallait que je parte. Je ne l’ai pas fait immédiatement parce ma chef a été remplacée par un jeune type sympa qui avait l’air à l’écoute et semblait vouloir réellement s’appuyer sur les consultants séniors…

Néanmoins, quand j’ai eu une opportunité, j’ai sauté sur l’occasion et j’ai à nouveau changé de métier, à 42 ans, après 21 ans de bons et loyaux services au sein de boites de consulting. Ca va faire quatre ans.

vendredi 27 janvier 2012

Début de carrière (suite)

Hier soir, j’ai du interrompre la narration du début de ma carrière professionnelle car mon billet faisait quatre pages au lieu des deux prévues mais je n’ai pas fini cet exercice qui sera pris par un texte d’autosatisfaction et de suffisance par les informaticiens ayant commencé leur carrière dans les années 80.

Résumé de l’épisode précédent :

Petit 1 : n’étant pas doué pour les études, j’ai commencé à travailler en octobre 88 à l’âge de 22 ans ce qui nous ne rajeunit pas. Suite à une succession de coups de bols, je me suis retrouvé dans un domaine où j’étais doué (les logiciels pour les distributeurs de pognon).

Petit 2 : une compilation du logiciel durant environ 30 heures, j’ai appris à éviter les erreurs de syntaxe et à faire des logiciels du premier coup sans bug, ce qui me permettait de travailler relativement vite pour la plus grande joie du portefeuille de mon patron.

Petit 3 : je bossais avec une bande de cadres aux dents longues plus occupés à cirer des pompes qu’à remplir le portefeuille du patron en question. Comme j’étais très jeune et efficace, je suis vite devenu le chouchou de la direction devant le regard ébahis de tous les imbéciles qui fayotaient alors que moi je me contentais de faire mon job tout en festoyant largement lors des pots d’entreprise et en étant toujours volontaire pour aller boire un coup après le boulot.

Reprenons…

Ou pas. Je m’étais arrêté en juin 1989, à l’époque où je bossais dans un cabinet de conseil d’une cinquantaine de personnes dont une douzaine d’informaticiens, et je me suis rendu compte, après avoir publié ma note qu’il est nécessaire que je revienne sur mes collègues de travail, pour bien montrer l’ambiance.

J’avais 22 ans et un petit bac +3 et les plus jeunes d’entre eux étaient ingénieurs dans des domaines variés bien éloignés de l’informatique. J’ai du mal à estimer l’âge des gens qui me paraissaient des ancêtres mais qui me paraitrait, maintenant, être des petits jeunes…

Comme la programmation était mon principal loisir, ma passion, depuis l’âge de 13 ans, j’avais beau être un gamin et n’avoir que neuf mois d’expérience professionnelle dans l’informatique, stages compris, j’étais le meilleur programmeur de la bande : c’est très souvent moi qu’on envoyait en clientèle pour résoudre les gros problèmes...

Je le raconterai peut-être dans la suite de cette série de billet, mais j’aurais pu ajouter « largement » à cette phrase : « j’étais le meilleur programmeur de la bande ». Je m’en suis surtout rendu compte deux ou trois ans plus tard (et ensuite) quand je suis devenu chef de projet et que j’ai repris la maintenance de ce qu’ils avaient développé.

Si vous me trouvez odieusement prétentieux relisez l’introduction de ce billet et rappelez-vous l’époque : il était très difficile de trouver des informaticiens sortant d’école. Par contre, on trouvait beaucoup d’ingénieurs en chimie ou en géologie (par exemple) au chômage et se réorientant vers le secteur porteur sans strictement rien y connaître. Au bout d’un an ou deux, ils devenaient très bien payés. Compte tenu de l’inflation et tout ça, ça reviendrait aujourd’hui à environ à un salaire brut de 3000 voire même 3500 euros par mois.

Les hauts dirigeants de la boite étaient tous des petits bourgeois et les jeunes sortant d’école avec un gros salaire montraient tellement d’efforts à montrer qu’ils avaient réussi dans la vie que ça en était écœurant.

En gros, ils cherchaient à imiter des bourgeois qu’ils n’allaient pas tarder à devenir. Je ne sais pas si ça existe toujours. J’ai moi-même pris près de 25 ans et, surtout, le nombre de bacs +5 est beaucoup plus important aujourd’hui. Sans compter qu’avec le boom de l’immobilier à Paris ce montant est relativement moins prodigieux qu’à l’époque…

J’avais une vie sociale avec eux. J’étais parfois invité dans des dîners et il y avait les pots mensuels au siège de la boite. On avait fait aussi un « séminaire » à Marrakech avec tous les salariés et une course de voila par étape avec un week-end de répétition.

Hollande aurait sorti son « je n’aime pas les riches » à cette époque, j’aurais parfaitement compris de quoi il parlait. Pour beaucoup, en dehors des heures de travail, des petits cons prétentieux, maniérés, … Pendant les heures de travail, des petits cons ambitieux, fayots (j’en parlais hier), …

Je n’ai analysé ça que bien plus tard, de même que le fait que j’étais parmi les préférés du patron, voire, plus tard, le préféré ! Je lui rapportais de l’oseille et je n’étais pas un suceur de bite (désolé pour cette grossièreté mais quand je me souviens de cette époque, aucune locution plus précise ne me vient en tête, voire n’existe). Un autre élément important : j’étais le seul à oser picoler autant que lui lors des soirées alors que les autres faisaient attention… Toujours cette prétention, cette manie de croire qu’il faut se tenir bien en société pour réussir une carrière professionnelle.

Je résume : j’avais 22 ans et je commençais une carrière professionnelle avec des gens dont je n’avais que faire. C’est peut-être pour ça que je fais maintenant une totale étanchéité entre ma vie professionnelle et le reste. D’ailleurs, pendant les 15 années qui ont suivi, je n’ai jamais déjeuné régulièrement avec des collègues de travail et je fuis méthodiquement toutes les mondanités pas imposées.

Reprenons.

Vers juin 1988, ma boite a reçu un assez gros contrat pour aller développer des machins en urgence à Vannes. Elle avait trois mois pour réussir ce qui aurait nécessité un an, en principe (mais le client était très pressé vu que la maintenance de ses ordinateurs s’arrêtait à la fin de l’année).

Le Directeur Général (pas « le patron ») me reçoit donc et me dit « Jégou, vous connaissez le Pascal. » Je réponds « heu, bof, j’ai un peu appris à l’école, mais je ne connais pas vraiment. » « Jégou, vous connaissez le Pascal. » « Ben non… » « Jégou, ce n’est pas une question mais un ordre ! »

C’est ainsi que je suis allé passer les trois mois d’été à Vannes, à travailler d’arrache pied, 15 heures par jour. Ca m’arrangeait bien, les parents avaient une maison de vacances dans le coin, où je logeais. J’avais des frais de déplacement (un forfait de l’ordre de 300 francs par jour) ce qui fait que j’avais l’équivalent (compte tenu de l’inflation) de 2500 euros de plus à la fin, sans compter mon salaire auquel je ne touchais pas (je n’avais pas le temps et j’étais chez les parents). A la fin, pour me remercier, le patron m’a filé une prime de ce montant… J’étais content, je partais au service militaire avec une somme rondelle sur mon compte en banque (sans compter que j’avais touché des arriérés d’un an d’aides au logement par la CAF). 4 briques. Compte tenu de l’inflation, ça fait comme si je partais aujourd’hui au service avec 10 000 euros.

J’ai bien bossé mais le fait de faire cette mission dans le coin où mes parents avaient une maison est probablement un des plus gros coups de bol de ma carrière.

Après avoir critiqué les riches, n’allez pas penser que je suis en train de fanfaronner à propos du pognon, je raconte ça uniquement pour souligner que mon service (12 mois, à l’époque) n’allait décidément pas se passer dans les mêmes conditions que les autres. Cette série de billets étant dédiée à ma carrière professionnelle, je ne vais pas raconter mes deux mois de classe et la vie de casernement.

J’ai donc passé 10 mois dans un service des « Transmissions », au Mont-Valérien. Il était en charge de la supervision du réseau de communication de données. Internet, http, … n’existaient pas, à l’époque. Les ordinateurs des militaires communiquaient entre eux en X25. Le réseau était l’équivalent militaire de Transpac. Je ne travaillais pas sur le réseau mais le boulot que je faisais m’a permis d’apprendre un tas de jargon technique qui m’a été bien utile plus tard (ben oui, les distributeurs de pognon communiquent avec des serveurs).

Les gens du service étaient des sous-officiers ou officiers assez pointus technologiquement et on s’aimait bien. J’étais un « collègue », le seul appelé ou presque (il y en avait un autre mais il ne bossait pas sur place en permanence). J’étais invité à tous leurs pots, leurs rigolades, … L’ambiance n’était pas du tout militaire. Le capitaine (celui qui dirigeait opérationnellement le service) passait un concours (ils appelaient ça « l’école de guerre ») et j’avais rédigé une des épreuves à sa place (j’avais été reçu mais pas lui…). Il s’agissait de raconter le fonctionnement du service.

Du coup, il m’aimait bien et m’aidait pas mal… Jusqu’à accepter de signer mes congés pour début juillet que j’étais le seul du régiment à avoir pensé à demander vu que nous étions mis en réserve pour les cérémonies du 14 juillet (en 1989, le bicentenaire, quoi !) au cas où un des régiments prévus pour défiler faisait faux bond. Ca m’a permis, entre autres, d’éviter toutes les répétitions.

Comme boulot, j’avais en charge le développement de diverses applications de gestion, notamment du secrétariat et des abonnés au réseau. La secrétaire était dépressive et se comportait comme une folle, très fréquemment en arrêt. Du coup, j’assurais aussi la majorité de son boulot.

J’étais un vrai planqué. Déjà, pendant les classes, je n’avais fait que trois gardes et n’avais été bloqué qu’un week-end, mais pendant la suite, je n’avais été bloqué qu’un seul week-end (je suis donc rentré tous les week-ends sauf deux en Bretagne, pendant mon service). J’ai passé un an de rêve ou presque, continuant à faire le boulot que j’aimais… et à aller au bistro. Un seul bémol : le premier mois de classes et un peu le deuxième a été assez difficile psychologiquement, de même que ma vie en casernement parce que je ne supportais pas la hiérarchie militaire (autant, au boulot, je m’en fous, autant recevoir des ordres débiles avec des menaces de punition me mettait à cran… Et pendant les « heures de loisir », les ordres sont toujours débiles).

Il y avait beaucoup de types de région Parisienne. Ils avaient la chance de pouvoir rentrer chez eux tous les soirs mais ils devaient faire des gardes de week-ends et participer à des semaines de manœuvre.

Tout le monde était surpris de la chance que j’avais. Alors, un jour, un type qui bossait au secrétariat du service qui gérait le personnel a taper mon nom sur l’ordinateur et à la rubrique « piston », il était indiqué « secret défense ». Le type m’a juré que pour les autres pistonnés, il y avait bien le nom de la personne ayant pistonné, souvent le député ou le sénateur du coin ou un haut gradé, un préfet, …, mais pour moi, il n’y avait que cette mention. C’était la première fois qu’il voyait ça. Il s’est renseigné : je ne pouvais qu’avoir été pistonné par un ministre, voire le Président de la République lui-même.

Quelques années après, en discutant avec un collègue, je lui ai raconté cette histoire. Il m’a dit que Gérard Longuet, ministre jusqu’à mai 1988, était un copain d’enfance de mon patron. C’est aussi ainsi que j’ai appris que le patron en question m’aimait bien, puisqu’il avait pensé à me faire pistonner juste avant que son pote ne quitte sa fonction, près de six mois avant mon départ de la boite.

Un faux départ, d’ailleurs…

Quelques semaines avant la fin de mon service, le directeur commercial de la boite où j’étais avant (j’avais démissionné) m’a appelé pendant que je bossais. Déjà, qu’il prenne la peine de chercher mon numéro de poste (à l’époque, on avait ni mobiles ni Internet) me surprenait.

Il voulait me voir. On a pris rendez-vous au siège de la boite. Il m’a proposé de revenir travailler pour eux, ce que j’ai immédiatement accepté.

Notez que ça plusieurs billets que je fais pour décrire ma carrière professionnelle, je n’ai jamais écrit que j’avais cherché du travail. D’ailleurs, je n’ai jamais cherché de travail.

Il m’a demandé le salaire que je le voulais. Je lui ai demandé 1000 francs de plus qu’avant ce qui me paraissait énorme.

Quelques jours après, il m’a appelé pour me dire que le patron ne voulait pas me payer aussi et me proposait 3500 francs de plus. Le montant était considérable, pour moi, mais c’était le salaire d’embauche des ingénieurs.

Je raconterais prochainement la suite de cette carrière mais, je n’ai pas tardé à être à nouveau augmenté. Les autres jeunes de la boite l’ayant appris, ils se sont quasiment mis en grève car ils ne trouvaient pas normal qu’un type de bac +2 plus jeunes de un à trois ans qu’eux touchent un salaire supérieur aux leurs.

Je ne parlerai plus de pognon, maintenant, je voulais juste raconter ça pour montrer comment j’avais démarré à avoir une position confortable et surtout vous montrer, une nouvelle fois, le niveau de mes collègues de travail de l'époque...

C’était en 1989. J’avais 23 ans, un salaire très correct avec un job en région Parisienne, une chance incroyable et la vie devant de moi…

jeudi 26 janvier 2012

Mes premiers boulots

Ce blog est presque en friche, il faut que je m’y remette. J’avais commencé à raconter par raconter la deuxième partie de ma carrière professionnelle mais je n’ai jamais parlé du début. Tout a commencé en septembre ou octobre 1986. Sortant d’IUT, je ne savais pas trop quoi foutre. J’avais été refusé dans les écoles qui m’intéressaient et les machins où j’étais accepté ne m’intéressaient pas.

Ceci mériterait un billet complet mais j’ai la flemme. A partir de la première, je devins un élève binaire : j’étais excellent dans une partie des matières et très mauvais d’en d’autres. D’ailleurs, j’ai eu mon bac C avec 10 tout rond (presque : 10,06) avec 7 en physique et 15 en sciences naturelles. C’est grotesque. J’aurais probablement pu avoir un bac D avec mention. Mais il était logique que je fasse un bac C, vu mon parcours…

Ainsi, après l’IUT de Statistiques, j’ai été refusé dans toutes les écoles d’informatique alors que j’avais des notes supérieures à 18, y compris pour mon stage de fin d’études. Je suis néanmoins persuadé que dès 1990, j’avais un salaire bien supérieur à tous les gugusses bossant dans l’informatique et étant sorti de l’école en même temps que moi. Et 25 ans après, je fais probablement partie des 5% des élèves de ma promo avec la plus belle carrière professionnelle.

On m’avait refusé toutes les formations dans les matières qui m’intéressaient parce que j’étais mauvais en physique (puis, à l’IUT, en mathématiques) mais ensuite, pendant toute ma carrière professionnelle, j’ai rencontré des gens qui avaient fait des maîtrises de chimie mais se sont mises à bosser dans l’informatique puisque c’est un secteur qui embauche…

Voila le système éducatif français à une époque. J’ignore si c’est ainsi maintenant. En 1984, la proportion d’andouilles à avoir un bac +2 devait être similaire à la proportion d’andouilles à bac +5 aujourd’hui…

Je reprends.

Sortant de l’IUT, j’avais trouvé une formation en « informatique fonctionnelle » (j’étais déjà un bon « technicien », je voulais voir plus large, ce qui explique peut-être le cheminement de ma carrière) réservée aux chômeurs. Je m’étais donc inscrit au chômage (avec beaucoup de difficultés vu que je n’avais jamais eu de fiche de paye) puis j’avais commencé cette formation, qui était légèrement rémunérée, ce qui fait que j’ai une fiche de paye depuis cette époque… Le sujet du billet étant le début de ma carrière professionnelle, on peut dire qu’elle a commencé en octobre 1986.

En avril 1987, dans le cadre de cette formation, j’ai commencé un stage au Crédit Agricole des Côtes d’Armor, stage qui a été prolongé par un « emploi d’été » jusqu’à fin septembre. Il s’agissait de développer une application en Dbase II pour les commerciaux en relation avec les clients « commerçants ». C’était très intéressant parce que j’étais totalement autonome et directement et sur des technologies un peu innovantes (à l’époque, dans les banques, les développements informatiques étaient fait sur les serveurs centraux, j’étais un des premiers à travailler sur des PC, qui ne servaient, à l’époque, que pour la bureautique et pour accéder aux serveurs centraux via des émulateurs). J’étais tout seul sur le projet, le seul dans l’établissement à connaître une partie des technologies. Je dépendais directement du directeur informatique, même si j’étais intégré à un service pour des raisons d’intendance. A 21 ans, chef de projet dans une banque… Ma carrière professionnelle est jonchée de coups de pot.

A part qu’au cours des trois premiers mois, je me faisais chier à fréquenter des vieux cons qui avaient l’âge que j’ai maintenant. A la fin de ces trois premiers mois, à la fin de mon stage, ils n’avaient pas de budget pour le salaire d’été, contrairement au budget du service des contentieux qui avaient des sous pour payer un formateur en traitement de texte. J’avais ainsi trois missions dans mon emploi rémunéré au SMIC :
-         terminer l’application que j’avais faite en stage,
-         former les assistantes du service des contentieux en Word et leur mettre en place des outils de mailing,
-         participer à une animation dans l’agence la plus proche autour des nouvelles technologies (ça laisse rêveur mais à l’époque les disques avec des films, ancêtres des DVD, étaient de la taille d’un 33 tours et ça représentait le futur et je surprenais tout le monde en capturant les images des gens avec une caméra…).

J’ai donc changé de bureau. L’âge moyen était bien inférieur et j’ai vite sympathisé avec tout le monde, y compris une dame – pas jeune, elle – dont je partageais le « box » sur le plateau. Son compagnon, Pierre, était responsable du service en charge des distributeurs de pognon que je connaissais un peu, il mangeait souvent avec nous.

Ces trois mois ont été professionnellement assez importants car formateurs : il est assez rare que les informaticiens soient immergés dans un monde de non informaticiens, en l’occurrence le service des contentieux et l’agence du Crédit Agricole de Ploufragan.

Mais c’est ma rencontre avec Pierre qui a été la plus importante puisque trois mois après j’allais prendre ma valise et venir à Paris pour faire une carrière dans le monde des distributeurs de flouze.

Un soir, fin octobre, ma collègue et Pierre ont déjeuné avec le chef de projet de la boite qui faisait le logiciel des distributeurs qui leur a dit qu’ils cherchaient d’urgence quelqu’un connaissant Dbase III+. Ils ont pensé à moi et savaient que je n’étais payé qu’au SMIC et aurais peu de chance de faire mon trou dans l’informatique du CA 22 (qui s’apprêtait à monter un GIE avec les CA du 56 et du 29 pour mutualiser l’informatique : la période n’était pas à embaucher, au contraire…).

Le deuxième gros coup de bol de ma carrière.

Le lendemain, je rencontrais le gars en question, Jacky et lui filais mon CV. Quelques jours plus tard, j’étais appelé par la secrétaire de sa boite d’informatique, à Paris, pour fixer un rendez-vous avec le DG.

J’ai négocié une journée de travail et suis allé à l’entretien. C’était la première fois que je mettais les pieds tout seul à la capitale. Je me rappelle que je ne savais pas comment faire dans le métro et qu’il avait fallu que je demande à un gugusse, après avoir tourné pendant une heure dans Montparnasse.

Je me rappelle aussi cet entretien. Le salaire proposé n’était pas, à la réflexion, mirobolant, mais il m’avait expliqué que j’étais le premier informaticien sans bac +5 qu’il embauchait et que je n’avais pas fait mon Service Militaire. En fait, la seule question que je lui ai posée concernait le nombre de jours de congés auquel j’avais droit. Je suis reparti avec mon premier CDI en poche

Le dimanche 3 octobre 1987, j’arrivais à Paris. Je logeais à l’hôtel, près de Montparnasse évidemment (j’ai vite trouvé un studio à la Butte aux Cailles). Le 4 octobre, je commençais mon nouveau job.

Je me suis pointé dans les locaux occupés uniquement par l’équipe avec laquelle j’allais bossais, une douzaine de personnes, rue de l’Amiral Mouchez. En fait, le poste que j’aurais du occuper pour travailler avec DBase l’était par un étudiant « à mi temps » et la boite a commencé à me faire bosser sur la maintenance des logiciels pour les anciennes gammes de logiciels, si bien que je travaillais sur des technologies datant de la fin des années 70.

Lors d’une évolution du logiciel, la compilation (et surtout ce qui va avec : le link, …) durait plus de 30 heures, sur un vieil ordinateur NCR dont j’ai oublié le nom. On les lançait le matin et on les récupérait le lendemain soir, sauf si, par malheur, on n’était pas tombé en panne d’imprimante (une compilation générait l’impression sur une vieille machine très bruyante de l’équivalent d’une boite de papier). Je peux vous dire qu’on faisait vachement gaffe à éviter les erreurs de syntaxe, en programmant. On travaillait dans une espèce de « langage interprété » (pour être précis : la compilation générait le code d’un langage interprété) assez proche de l’assembleur. Pour éviter les recompilations, on faisait souvent les modifications en touchant directement le machin en hexadécimal dans le distributeur, à partir d’un écran avec 5 chiffres. Avec les clients (des informaticiens des caisses régionales du Crédit Agricole), on fait des modifications par téléphone : je leur dictais du code hexadécimal…

On verrait ça maintenant, on trouverait ça surréaliste !

Je prenais mon pied et étais assez doué pour ça… Du coup, la fille qui m’avait formé est parti sur un autre projet et je me suis retrouvé tout seul à faire la maintenance et les évolutions, juste en relation téléphonique avec l’ancien chef de projet qui était arrivé là par hasard en sortant de Normale Sup.

Je partais parfois en déplacement avec ma valise (de listings) pour voir des Caisses Régionales. Je me rappelle d’un voyage à Toulouse en avion. Je dépassais le poids de bagages autorisés. Je me souviens aussi d’un aller retour à Nancy en train uniquement pour prouver à un directeur informatique qu’on s’occupait d’eux…

A 22 ans, j’étais responsable de la maintenance évolutive et corrective d’un logiciel équipant environ 900 machines (ce qui, à l’époque, était énorme).

Les 10 ou 11 autres personnes de l’équipe bossaient sur les logiciels pour des automates plus modernes.

Mes patrons étaient contents de moi. Je me démerdais bien, j’étais autonome, je m’amusais comme un fou et j’étais toujours prêt à faire la fête lors des pots d’entreprise. J’étais la coqueluche de la boite.

Et j’étais facturé 3300 francs par jour pour la maintenance corrective et faisais en plus, très souvent, les évolutions. En gros, je leur assurais un chiffre d’affaire d’environ 100 000 francs par mois (15 000 euros) pour une charge salariale de l’ordre de 13 000 francs (2 000 euros). Ils avaient de la marge vu qu’ils n’avaient aucun autre frais avec moi : nous bossions dans des locaux du client. Mais escroquer les banques n’était pas un mal à cette époque (maintenant, ne faites pas les cons, je suis salarié d’une banque mais cette époque m’a bien aidé dans mon job actuel pour repérer ce genre d’escroqueries).

Toujours est-il qu’à part la secrétaire, j’avais le plus petit salaire de la boite et j’étais celui qui rapportait le plus.

Ca a duré jusqu’en juin 1988 (soit moins de neuf mois en tout) et je vous raconterai la suite à l’occasion.

Outre le côté métier (les distributeurs de pognon) et la capacité à appréhender rapidement de « nouvelles » technologies (ce que j’ai perdu depuis), j’ai beaucoup appris de cette époque.

Tiens ! Tous les mois, on avait un pot, au siège de ma boite, là où j’avais passé mon entretien. Le jour du premier après mon arrivée, je suis arrivé, le maintenant, habillé normalement. Tous les autres étaient habillés en costar cravate (pour les hommes) (mon habitude de mettre des cravates tous les jours date de plus tard).

A 21 ans, voir les gugusses s’habillent différemment pour aller au siège de la boite est très formateur de l’esprit qui règne en entreprise.

J’avais un bac plus trois (ce qui ne veut rien dire, donc un bac plus 2). Ils avaient un bac plus cinq. J’avais le plus bas salaire de la boite.

Deux ans plus tard, dont un an de service militaire, j’avais un salaire supérieur à celui de beaucoup ce qui avait failli provoquer une émeute…

Les jeunes cadres dans l’informatique sont souvent très cons. Ce n’est pas le carriérisme qui fait une carrière : il faut aussi de la valeur ajoutée pour l'entreprise.

Moi, j'ai commencé à mettre la cravate quand j'allais voir des clients, pas quand j'allais voir mon patron.

mercredi 11 janvier 2012

Changer de métier à 30 ans

J’ai déjà raconté comment 1996, l’année de mes trente ans, a été un tournant dans ma vie puisque c’est cette année là que j’ai franchi le pas : je suis rentré à la Comète et j’ai commencé à avoir une vie sociale dans le quartier. Avant, pendant presque trois ans, j’utilisais mon appartement comme un dortoir et je rentrais en Bretagne tous les week-ends. Je sortais parfois, même souvent, dans Paris avec des vieux copains de Bretagne échoué comme moi en région Parisienne, parfois avec ma sœur et mon beauf qui habitaient dans le quartier. Je recevais parfois du monde chez moi… mais je ne connaissais personne à Bicêtre.

J’ai déjà raconté aussi d’autres trucs sur cette année, mais très rarement que j’ai carrément changé de métier sans changer d’employeur.

Auparavant, je faisais du développement informatique pour des logiciels autour de ces machines où l’on retire du pognon avec une carte, chez les banquiers ou chez les fabricants de ces machins. A la sortie de l’été 1996, le commercial de l’époque m’a trouvé une mission qui n’était pas du développement informatique. Je devais mettre en place des outils pour agréer les systèmes de paiement de films (ou autre) en ligne, par carte mais sans saisie de code, sur les décodeurs Canal+ dans un organisme regroupant toutes les grandes banques et de fil en aiguille pour agréer les serveurs qui géraient les Minitels équipés de lecteurs de cartes à puce. A cette époque, on commençait à imaginer les lecteurs de cartes pour connecter à PC.

Je n’avais pas commencé ce billet pour raconter la suite mais, tant que j’y suis… A cette époque, les banques de nouvelles normes pour les terminaux de paiement chez les commerçants. Il s’agissait de préparer le passage à l’Euro et un tas d’autres trucs (dont je ne peux pas parler même si ce n’est pas spécialement confidentiel, je suppose qu’en cherchant « Histoire de la monétique » dans Google, vous trouveriez toutes les informations). Je m’occupais donc de la mise en place de l’agrément des systèmes de paiement avec des lecteurs de cartes sur des terminaux à distance (décodeurs Canal+, Minitel et PC) mais je passais beaucoup de temps à glandé, le marché n’étant pas spécialement agité. Canal avait ses décodeurs, le Minitel était mourant et le paiement par Internet a évolué de manière différente de ce que souhaitaient certaines banques à l’époque. Je filais donc un coup de main aux collègues qui s’occupaient du paiement sur les TPE. J’avais ainsi la modeste tâche de relire toutes les specs (des milliers de pages) pour tout vérifier et de compléter certaines parties sans avoir un rôle officiel. J’étais là pour une mission sans boulot, on m’occupait à autre chose. C’est ainsi que je suis devenu un spécialiste de tous les domaines d’acceptation « physique » de cartes bancaires…

Peu après, un de mes anciens commerciaux, dans ma SSII, est arrivé pour intégrer l’équipe en charge des distributeurs de pognon de cet organisme interbancaire et m’a repéré. Il savait que je connaissais ces machines et j’ai fini par bosser pour lui. Je racontais l’autre jour comment j’avais fait du reporting auprès de la Banque de France et du Ministère des Finances pour le passage à l’an 2000 puis pour la préparation du passage à l’Euro, c’était là. Dans les mêmes eaux, les banques françaises ont adopté un nouveau standard international de cartes à puce. Comme j’avais également beaucoup de temps libre (dans ces machins de normalisation interbancaire, on passe beaucoup de temps à attendre la validation de documents par des groupes de travails divers et variés), j’avais pu étudier les spécifications faites par les américains. Du coup, j’étais un des premiers, en France, et j’avais pu les adapter à notre propre réglementation et législation pour les distributeurs de pognon. C’était au tout début du siècle…

Parallèlement à cette mission de fond dans cet organisme interbancaire, ma société de conseil a pu me placer dans différentes banques, généralement pour des missions autour des distributeurs, jusqu’à ce que je me pose, en 2008. L’année où la Comète a changé de proprio pour la première fois depuis que je fréquentais l’établissement. Comme quoi…

Voilà comment de fil en aiguille, je suis passé en quelques années de développeurs de logiciels pour distributeurs à un autre métier, indéfinissable… mais me permettant de voir un tas de domaines proches mais bien différents sans avoir à plonger précisément dans la technique.

Mais c’est bien de l’année 1996 que je voulais parler en rédigeant ce billet dont l’idée m’est venue en discutant avec un jeune collègue. Pour vous dire à quel point il est jeune, je bossais avant qu’il soit né. Avant de commencer à travailler pour gagner ma vie, j’avais pour principal loisir la programmation au sein du club informatique du coin. A 14 ou 15 ans, j’y étais formateur. La passion m’est venue de mon père qui avait créé ce club avec un pote à lui. Ensuite, j’ai bossé pendant 8 ou 9 ans dans la programmation.

Ainsi, à trente ans, j’avais déjà une expérience en développement de l’ordre de 17 ans… Ca me faisait rigoler vers 2000, au moment où l’informatique marchait du feu de Dieu, des boites de conseil nous vendaient des « consultants séniors » de 28 ans, sortis d’école à 25…

Mon jeune collègue me disait qu’il adorait faire du développement, traîner dans la technique et me disait qu’il ne pourrait pas arrêter.

Alors je lui ai dit que si : il y a un moment où on se trouve has been parce qu’on est poussés à bosser sur des technologies qu’on connaît et on n’a pas le temps de se former aux nouvelles. Et au moment où on est amené à le faire, on n’a plus nécessairement le courage de recommencer à zéro ou presque, de se retrouver à demander des conseils à des gugusses qui sortent d’école, à prendre des ordres de gugusses qui connaissent bien la technologie mais pas du tout le métier.

J’espère que je ne l’ai pas déprimé.

lundi 2 janvier 2012

10 ans d'euros ou nostalgie d'une époque ?

J’allais oublier les 10 ans du passage à l’Euro. El Camino revient dessus avec rage alors qu’ayant été acteur du dossier, je regarde cette période avec une vague nostalgie. Tout au long de l’année 2000 et au début 2001, j’avais été le secrétaire d’un groupe de travail entre les différentes banques à propos de la migration des distributeurs de billets.

Pour résumer, je pondais des rapports, à l’issue de longues réunions entre banquiers émérites pour informer le gouvernement et la Banque de France des travaux à réaliser et de ce qu’il fallait pour garantir que nos machines distribuent un maximum d’euros en très peu de temps.

Je présume que ma prose débarquait à l’occasion sur le bureau de quelques chefs de cabinets de Ministères, ce qui n’était pas la première fois, en 1999, j’avais été responsable du reporting, toujours pour les banques, concernant les évolutions des logiciels des distributeurs pour le passage à l’an 2000.

Je me rappelle d’un chiffre que j’avais diffusé en avril 1999 et qui avait été repris de travers par la presse. Je ne sais pas quel Ministre, voire Jospin lui-même, a pu avoir des sueurs froides en lisant mes rapports. J’avais dit, en avril, donc, que 24% des machines étaient d’ores et déjà équipées d’un logiciel homologués pour le passage à l’an 2000 et le chiffre avait été déformé dans une dépêche : seuls 24% des DAB pourraient passer à l’an 2000…

Psychose. J’avais bien ramé pour expliquer d’une part qu’il nous restait 8 mois pour faire le boulot ce qui était bien suffisant et d’autre part que ce n’est pas parce qu’un logiciel n’avait pas été homologué officiellement (« tamponné » en quelque sorte) qu’il ne fonctionnait pas.

Pour l’Euro, c’était un peu différent. Il me fallait rédiger un rapport technique à partir de considérations de directeurs informatiques (ou leurs délégués) de banques n’y connaissant rien en technique. C’était parfois délirant. J’avais pris la place d’un ponte d’une très grande banque, une espèce de savant fou, qui était dépassé par les outils bureautiques n’arrivait pas à faire évoluer son rapport normalement. J’étais arrivé là par hasard, en tant que consultant pour le représentant de l’organisme interbancaire qui s’était retrouvé avec le dossier dans les bras.

Il y avait tellement de contraintes, souvent contradictoires, que je rigolais souvent comme un tordu (j’avais confiance dans la capacité de mes collègues informaticiens à faire fonctionner le bordel et m’asseyais volontiers sur les contraintes imposées par les bureaucrates dans la mesure où je signalais officiellement toutes leurs bévues). Le plus ridicule est qu’en tant que représentant des bureaucrates, je n’étais responsable que de la prose préliminaire, pas du résultat final. En cas de plantage, j’aurais toujours eu bon dos de mettre la faute sur les « autres »…

Cela dit, je n’ai pas franchement changé de métier depuis, je bosse toujours en amont sur les projets et ce que je lance a rarement l’habitude d’échouer…

Le grand public n’a pas idée du bordel que ça peut-être de modifier environ 35000 machines pour distribuer du nouveau pognon en ne sachant pas quelles allaient être les habitudes de consommation des braves gens.

Par exemple, alors qu’il nous paraissait évident à nous autres techniciens que les billets de 10 et de 20 euros allaient remplacer dans le portefeuille des gens les billets de 100 et 200 francs, les bureaucrates étaient persuadés que les gens allaient remplacer les retraits d’un billet de 200 francs par un billet de 50 euros. Les statistiques nous ont évidemment donné raison mais les gens ont plus rapidement modifié leurs habitudes que nous ne l’avions imaginé. Par contre, je mets en lien un billet de El Camino, en début du mien, où il parle de l’augmentation des prix liés à l’Euro. Ce phénomène est globalement faux : les hausses de prix sont liés à autre chose et, quand il y a eu hausse des prix, il a été compensé par une stagnation à long termes. Par exemple, le café était généralement à 6F50 au comptoir avant l’euro, il est passé à 1 euro (6F56) le 1er janvier 2002 et est maintenant à 1€20, soit une augmentation de 20% en 10 ans, ce qui n’est pas spécialement énorme.

Parmi les contraintes ubuesques, deux me reviennent en mémoire. D’une part, les pouvoir publics nous forçaient à mettre un maximum d’euros en circulation, ce qui impliquait de distribuer des billets de 50 euros, tout en nous recommandant de distribuer uniquement des 10 et 20 euros dans un premier temps pour facilité la « fluidité » de la circulation du pognon. D’autre part, nous avions des billets neufs à faire distribuer par nos machines d’une exceptionnelle complexité et la Banque de France refusait de nous donner des billets faire les tests.

D’un autre côté, les pouvoirs publics ont eu raison de nous pousser au cul. Comme il fallait une intervention sur chaque machine pour régler les cassettes à billets (la largeur et la hauteur des billets) plus différents paramètres (l’épaisseur, « l’opacité », …) voire changer le logiciel, nous avions indiqué que c’était impossible à faire en six mois. Les « autorités » nous ont alors donné 6 semaines avec l’obligation, de mémoire, d’en faire 80% en une semaine.

Ca a peut-être coûté un peu cher mais nous y sommes arrivés…

Mais quand j’entends, maintenant, des gugusses expliquer qu’il serait facile de revenir aux francs, ça me fait un peu rigoler…