mercredi 3 avril 2013

L'autre bout de la lorgnette

Il y a plusieurs manières de voir l’affaire Cahuzac. Il y a bien sûr le scandale et « la gauche morale », celle à laquelle je croyais, clouée au pilori par un homme empêtré dans ses mensonges, un ministre chargé de la lutte contre la fraude fiscale qui a probablement été un fraudeur fiscal.

Et il y a l’autre, celle vue des réseaux sociaux, des médias, … Bien plus rigolote et évocatrice de notre société.

Je parcourais Twitter, à midi. Les twittos sont plus intéressé par taper sur Jean-Michel Apathie qui est obligé de se justifier pour ne pas avoir cru sur parole Médiapart, comme moi.

« J'estime que ma crédibilité n'est absolument pas remise en cause. » « Depuis le début, je demande à Edwy Plenel s'il a des preuves dans cette affaire. Il me répond que oui. Pourquoi ne les publie-t-il pas, alors ? C'est ce que j'ai toujours demandé. Je n'ai rien contre Mediapart. J'ai juste toujours dit que je ne savais pas si Cahuzac avait un compte en Suisse. ».

Pareil ! Me voila à défendre Apathie. Ce qui fait plaisir, c’est que le Canard Enchaîné est sur la même longueur d’onde. Il, « dans un éditorial signé par son rédacteur en chef Louis-Marie Horeau, juge qu'il n'y a « rien d'étonnant à ce que la grande majorité des médias, Le Canard compris, ait regardé le début de la pièce avec prudence et circonspection », même si « le héros involontaire donnait du grain à moudre, en multipliant les maladresses troublantes ». « Lorsque le rideau s'est levé, voilà quatre mois, il n'y avait guère, sur scène, qu'une conversation téléphonique captée par hasard. Une voix, dont il fallait croire, sans preuve tangible, que c'était celle du ministre, évoquait l'existence d'un embarrassant compte en Suisse » »

C’est aussi l’histoire d’un couple fortuné qui entame une procédure de divorce. Les sommes enjeux sont importantes. Comment sera partagé le gâteau ?

« Selon les informations du Canard Enchaîné, la femme de l'ancien ministre, Patricia Cahuzac, aurait engagé en octobre 2011 des détectives privés pour enquêter sur son mari. » Un détective déclare : « très vite, nous avons découvert que des officines travaillaient à la recherche d'informations compromettantes. »

« "L'officine" évoquée par Le Canard Enchaîné serait rapidement arrivée à contacter [un] inspecteur des Impôts à la retraite, l'auteur d'une lettre de dénonciation évoquant la possession d'un compte occulte en Suisse par le ministre du Budget. »

M. Cahuzac est un membre important du Gouvernement mais, à l’époque de l’enquête, il n’était qu’un brillant politicien de l’entourage de François Hollande, candidat à la Présidence de la République. L’avocate de Mme Cahuzac est la sœur de M. Copé, patron du parti qui « portera » le principal candidat, Nicolas Sarkozy, président sortant, opposé à François Hollande.

« L'affaire, qui a désormais valu à Jérôme Cahuzac son portefeuille ministériel est digne d'un polar financier. Selon Mediapart, le compte en Suisse présumé aurait été transféré à Singapour, un compte auquel n'aurait pas accès l'épouse du socialiste. Heureux hasard selon Le Canard Enchaîné, Patricia Cahuzac aurait reçu la visite à son cabinet en mai 2012 d'un patient qui n'avait aucun problème de cheveux. La raison de sa visite : des informations sur le compte suisse de son époux, qu'il mettait à sa disposition contre 3 000 euros. Toujours selon Le Canard Enchaîné, Patricia Cahuzac l'aurait alors mis à la porte. »

Voilà comment je voyais l’affaire, jusqu’à hier soir et « l’aveu ».

Tel que je le comprends, pour éviter de payer trop cher pour son divorce, Jérôme Cahuzac fait transféré un compte « oublié » de Suisse à Singapour et des détectives privés payés par sa femme trouve des traces. Alors que l’avocate est la sœur du patron de l’UMP, l’affaire aboutit dans les mains de la presse.

Elle en devient une affaire politique, avec d’incessants petits juges sûrs d’eux.

Avant-hier soir, on ne savait rien.

C’est depuis hier soir que c’est très grave parce que le peuple de gauche a le sentiment d’avoir été trahi et doute. Le peuple de gauche ? Bah ! J’aurais pu dire « le peuple » mais il me semble que, à droite, on attend moins de la gauche.

On reproche à un journaliste de se justifier. On reproche à un ancien ministre d’avoir menti. Un mensonge d’un ministre ou le doute d’un journaliste deviennent plus grave qu’un détournement fond ou une trahison du peuple.

Voila Twitter.

Ca me laisse pantois.

On me reproche - ailleurs - de défendre de Cahuzac. Moi, je défends tout le monde. Mais j'ai envie de répondre à ce qui me critiquent : et maintenant, on fait quoi ? Ayrault doit démissionner ? Ca nous fera une belle jambe. Hollande doit dissoudre l'Assemblée ? Vous voulez le retour de la droite...

On a une seule solution : se serrer les coudes. De toutes manières, le mal est fait. Il est terrible.

8 commentaires:

  1. Je suis très en phase avec cette position, oui, malheureusement, on est obligé de défendre Aphatie car jusqu'à l'aveu, les "preuves" ce n'étaient que des insinuations, au mieux des soupçons. Et comme tout d'un coup on découvre que "tout le monde savait" -y compris et surtout à droite, écouter Gonelle ce soir (!) Plenel avait pt être de "vraies preuves" dès décembre voire avant ! Et pourquoi ne pas les avoir mises sur la table à ce moment, pourquoi avoir laissé le piège se fermer jusqu'à l'extrème limite sur JC...et le Gouvernement !?

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    1. Ce qui m'énerve sont tous ceux qui disent qu'ils savaient.

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  2. Il est bien ton billet... (rien à rajouter)

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  3. Honnêtement, j'apprécie les gens qui raisonnent (comme tu le fais) avant de crier comme on le voit un peu partout...
    sauf que toi tu ne cries pas, tu expliques ton point de vue et quelque part, crois-moi, c'est rassurant.

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    1. Ah ! Te revoilà ! Donne donc des nouveles plus souvent. Les copains s'inquiètent.

      Pour le reste, merci.

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  4. Très bon billet ! du grand Nico celui-là.Bz

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