J’allais oublier les 10 ans du passage à l’Euro. El Camino
revient dessus avec rage
alors qu’ayant été acteur du dossier, je regarde cette période avec une vague nostalgie.
Tout au long de l’année 2000 et au début 2001, j’avais été le secrétaire d’un
groupe de travail entre les différentes banques à propos de la migration des
distributeurs de billets.
Pour résumer, je pondais des rapports, à l’issue de longues
réunions entre banquiers émérites pour informer le gouvernement et la Banque de
France des travaux à réaliser et de ce qu’il fallait pour garantir que nos
machines distribuent un maximum d’euros en très peu de temps.
Je présume que ma prose débarquait à l’occasion sur le bureau
de quelques chefs de cabinets de Ministères, ce qui n’était pas la première
fois, en 1999, j’avais été responsable du reporting, toujours pour les banques,
concernant les évolutions des logiciels des distributeurs pour le passage à l’an
2000.
Je me rappelle d’un chiffre que j’avais diffusé en avril
1999 et qui avait été repris de travers par la presse. Je ne sais pas quel
Ministre, voire Jospin lui-même, a pu avoir des sueurs froides en lisant mes
rapports. J’avais dit, en avril, donc, que 24% des machines étaient d’ores et
déjà équipées d’un logiciel homologués pour le passage à l’an 2000 et le
chiffre avait été déformé dans une dépêche : seuls 24% des DAB pourraient
passer à l’an 2000…
Psychose. J’avais bien ramé pour expliquer d’une part qu’il
nous restait 8 mois pour faire le boulot ce qui était bien suffisant et d’autre
part que ce n’est pas parce qu’un logiciel n’avait pas été homologué
officiellement (« tamponné » en quelque sorte) qu’il ne fonctionnait
pas.
Pour l’Euro, c’était un peu différent. Il me fallait rédiger
un rapport technique à partir de considérations de directeurs informatiques (ou
leurs délégués) de banques n’y connaissant rien en technique. C’était parfois
délirant. J’avais pris la place d’un ponte d’une très grande banque, une espèce
de savant fou, qui était dépassé par les outils bureautiques n’arrivait pas à
faire évoluer son rapport normalement. J’étais arrivé là par hasard, en tant
que consultant pour le représentant de l’organisme interbancaire qui s’était
retrouvé avec le dossier dans les bras.
Il y avait tellement de contraintes, souvent
contradictoires, que je rigolais souvent comme un tordu (j’avais confiance dans
la capacité de mes collègues informaticiens à faire fonctionner le bordel et m’asseyais
volontiers sur les contraintes imposées par les bureaucrates dans la mesure où
je signalais officiellement toutes leurs bévues). Le plus ridicule est qu’en
tant que représentant des bureaucrates, je n’étais responsable que de la prose
préliminaire, pas du résultat final. En cas de plantage, j’aurais toujours eu
bon dos de mettre la faute sur les « autres »…
Cela dit, je n’ai pas franchement changé de métier depuis,
je bosse toujours en amont sur les projets et ce que je lance a rarement l’habitude
d’échouer…
Le grand public n’a pas idée du bordel que ça peut-être de
modifier environ 35000 machines pour distribuer du nouveau pognon en ne sachant
pas quelles allaient être les habitudes de consommation des braves gens.
Par exemple, alors qu’il nous paraissait évident à nous
autres techniciens que les billets de 10 et de 20 euros allaient remplacer dans
le portefeuille des gens les billets de 100 et 200 francs, les bureaucrates
étaient persuadés que les gens allaient remplacer les retraits d’un billet de
200 francs par un billet de 50 euros. Les statistiques nous ont évidemment
donné raison mais les gens ont plus rapidement modifié leurs habitudes que nous
ne l’avions imaginé. Par contre, je mets en lien un billet de El Camino, en
début du mien, où il parle de l’augmentation des prix liés à l’Euro. Ce phénomène
est globalement faux : les hausses de prix sont liés à autre chose et,
quand il y a eu hausse des prix, il a été compensé par une stagnation à long
termes. Par exemple, le café était généralement à 6F50 au comptoir avant l’euro,
il est passé à 1 euro (6F56) le 1er janvier 2002 et est maintenant à
1€20, soit une augmentation de 20% en 10 ans, ce qui n’est pas spécialement
énorme.
Parmi les contraintes ubuesques, deux me reviennent en
mémoire. D’une part, les pouvoir publics nous forçaient à mettre un maximum d’euros
en circulation, ce qui impliquait de distribuer des billets de 50 euros, tout
en nous recommandant de distribuer uniquement des 10 et 20 euros dans un
premier temps pour facilité la « fluidité » de la circulation du
pognon. D’autre part, nous avions des billets neufs à faire distribuer par nos
machines d’une exceptionnelle complexité et la Banque de France refusait de
nous donner des billets faire les tests.
D’un autre côté, les pouvoirs publics ont eu raison de nous
pousser au cul. Comme il fallait une intervention sur chaque machine pour
régler les cassettes à billets (la largeur et la hauteur des billets) plus
différents paramètres (l’épaisseur, « l’opacité », …) voire changer
le logiciel, nous avions indiqué que c’était impossible à faire en six mois.
Les « autorités » nous ont alors donné 6 semaines avec l’obligation,
de mémoire, d’en faire 80% en une semaine.
Ca a peut-être coûté un peu cher mais nous y sommes arrivés…
Mais quand j’entends, maintenant, des gugusses expliquer qu’il
serait facile de revenir aux francs, ça me fait un peu rigoler…
Bah, je découvre ce blog que maintenant, honte à moi ^^
RépondreSupprimerSinon oui vive l'euro, presque une évidence...
Ce blog n'est pas très vieux.
RépondreSupprimerAvec rage, bof.
RépondreSupprimerCeci dit ça me ferait braire de retourner aux francs.
Ben oui...
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